Baby, that’s you !

Je sais, je sais… ça fait 1 000 ans que je n’ai pas écrit ici. A part quelques photos sur Instagram et une interview pour la marque de pinceaux Léonard, je suis restée silencieuse… Et pour cause : en juin, j’ai craqué ! Trop de pression, trop d’acharnement, trop d’inquiétudes, et surtout plus d’envie… Tout d’un coup, c’est comme si j’étais morte de l’intérieur, desséchée, vide. Bon pas très joyeux tout ça, mais attendez… ça finit bien 🙂

J’ai donc arrêté le blog, les articles, la peinture et le dessin pendant quasi deux mois. Et deux mois, c’est long… C’est des jours et des semaines d’incertitude, de promenades, de solitude mais aussi de liberté, de relâchement, de détente.

Si je reviens ici aujourd’hui, c’est pour vous parler d’une belle expérience, de ma reprise, mais surtout d’une progression qui s’est déroulé en 1 semaine et 4 peintures. Mon but est de partager avec vous l’intérêt du travail et comment un processus créatif se développe.

La peinture, toujours

Quand j’ai démarré l’Urban Sketching en fin d’année dernière, je voulais quelque chose qui soit différent de ce que je faisais chez moi. Je suis partie dans un travail sans dessin, avec uniquement de la peinture. Au fil des mois, ce fut un bonheur de m’affranchir du crayon, de peindre librement et d’oublier cette recherche de la perfection. Et puis un jour, cette pratique spontanée a trouvé sa place chez moi, dans ce petit espace d’atelier, d’abord à travers un portrait saisissant et intime, ensuite à travers la série Tango dont je vous ai déjà parlé…

Urban sketching et redécouverte de la peinture

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Au bout de ces deux mois de errance, je me suis retrouvée sur un stage de 4 jours d’Urban Sketching auquel je m’étais inscrite en avril. C’était fin juillet : 4 jours de rencontres internationales (des français, des américains, chinois, brésiliens, australiens…), 4 jours de dessins, de peintures et de partage.

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Le stage, les gens, les profs, les échanges, les sourires, le soleil, la chaleur et la beauté de Paris… tout ça m’a redonné goût à la peinture. A partir de là, s’en est suivi mes premières sorties groupées d’Urban Sketching avec notamment un SketchCrawl au jardin d’Acclimatation. Des paysages urbains, que des paysages urbains ponctués de rencontres. Un plaisir nouveau.

Je m’étais remise en selle ! De la joie, de nouveaux achats et peindre, encore et encore 🙂 Puis…

LA rencontre

Il y a à peine deux semaines, au hasard d’un message reçu demandant un hébergement parisien, comme une sorte de « Adopte un artiste« , j’ai fait une rencontre. En fait, pour moi, depuis que je peins, j’ai plus exactement fait LA rencontre.

Il y a d’abord eu des messages, puis très vite un premier coup de fil qui a duré plus d’une heure. Je fais connaissance avec le bonhomme qui me donne son avis sans détour sur ce qu’il voit de mes aquarelles depuis deux ans… Je capte toute sa sensibilité qui m’apparait à ce moment comme un don du ciel et je décide de lui envoyer ces peintures que je n’ai encore jamais montrées, jamais publiées, les dernières réalisées avant que je rentre dans ma phase de sécheresse.


ManuCet homme, il s’appelle Manù. Son univers c’est la BD, l’aquarelle et la création d’un nouvel art narratif. Il a plus d’une corde à son arc, il a fait moult choses dans sa vie d’artiste plasticien, et surtout, surtout, il a cette sensibilité si rare, ce regard qui voit, qui perce, qui devine, qui sublime, comme un trésor, quelque chose de précieux, de lumineux. 


Mon premier portrait

Cet homme au téléphone me parle de ce qu’il voit et ce qu’il ressent quand il regarde mes créations. Il me voit, ce que je raconte, à travers tous ces traits, toutes ces couleurs dans toutes ces aquarelles. Il voit tout l’amour mélangé à une haine vive dans ce portrait de femme réalisé 4 mois plus tôt.

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Cette aquarelle, fut mon premier travail totalement spontané. J’avais ce portrait de femme dans mon ventre depuis plusieurs jours, je n’avais aucune idée de qui c’était, du pourquoi, du comment. C’était juste dans mon ventre, comme une boule qui ne demandait qu’à être évacuée. Un après-midi, je me suis décidée à le sortir de mon corps malgré ma peur. Les pinceaux, l’eau, les couleurs… Ma main communiquait avec mon ventre sans que ma tête ne s’en mêle.

Et puis, le recul : je me lève, je fais un pas en arrière et je me demande qui est cette femme.

Est-ce que c’est moi ? Non.

Tout d’un coup, ça me frappe : je reconnais l’individu, comme une lame qui me transperce et qui va me faire cacher cette aquarelle jusqu’à ma rencontre avec Manù.

Manù voit le portrait et m’en parle, de ce qu’il ressent, des traits, de l’émotion, de l’amour infini et de la haine pointue comme un éclair qui surgit dans le cou, comme une lame prête à tuer. J’ai les larmes aux yeux d’entendre tout ce que je ressens dans la bouche d’une autre personne.

L’abstraction

Je lui montre aussi toute ma série de peintures abstraites. Il plonge dans mon intime, dans des souffrances lointaines. Dans tout ce qu’il me raconte, j’entend des morceaux de ma vie, des choses que j’avais déjà vu, et d’autres que je découvre. C’est un moment absolument incroyable pour moi.

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A la fois, je me sens exposée et je comprend toute l’intimité que je dévoile à travers ces coups de pinceau et je suis aussi émerveillée d’entendre qu’une personne est capable de voir tout ça, tout ce que j’ai peins : le plus profond de moi.

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Baby, that’s you !

Depuis toujours, l’exercice du portrait est pour moi celui qui m’effraie le plus. Quand j’étais adolescente, je dessinais des visages de profil : ceux de ma famille, ceux d’amis. Je butais tristement devant mon incapacité à dessiner un visage de face en conservant une quelconque ressemblance. Mon entourage était d’une critique cinglante. Un portrait, ça ne pardonne pas, si ça ne ressemble pas en tout point et parfaitement, les gens ne manquent pas de vous le dire.

Ces derniers jours, grâce à Manù, j’ai compris autre chose, et pas des moindres. Peut-être une des découvertes les plus décisives de ma vie (non, sans rire !). Le plus important n’est pas la ressemblance, n’est pas la technique. Le plus important c’est l’émotion, ce qui va venir du fond des tripes, là où le cerveau et toute l’intelligence que l’on peut avoir n’ont plus leur place :

Un portrait, c’est avant tout une histoire de sentiments, c’est ce qu’on voit de la personne, de ce qu’elle dégage et exprime, et dans un même temps, c’est ce que l’on ressent pour elle.


Je précise qu’il n’y a eu aucun dessin préalable pour aucun des portraits présentés ici et qu’ils sont réalisés à l’aquarelle sans retouche, sans repenti. Pour ceux qui ne savent pas : une fois que la couche de peinture est posée, on ne peut rien y faire. Il faut voir juste au premier coup.

Découverte de l’auto-portrait

2 jours après LA rencontre, je me lance dans un premier exercice d’auto-portrait. Mon corps veut ça. Si le portrait est difficile, l’auto-portrait est un calvaire. Je me lance sur la feuille et au hasard de mes traits spontanés, je me découvre et je me fais horreur. Là, en face de moi, je me vois.

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Je partage ce premier auto-portrait avec Manù. Comme je lui écris : « J’ai besoin que tu me pousses au cul« . Il le fait sans détour, avec honnêteté et bienveillance.

Le lendemain, je sors un deuxième auto-portrait. Manù exprime sa joie, il voit nettement la progression. Il me décrit tout ce qu’il ressent, tout ce qu’il voit, le sens de mes traits. Moi, je me fais toujours horreur mais…! Horreur avec un peu plus de confiance…

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Le jour suivant, grève du corps. Rien ne veut sortir. Puis le quatrième jour, un 3ème auto-portrait. Le pire de tous, un cauchemar. Là, le premier de face, moi et ma tronche en pleine face, sans artifice.

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Je me sens écoeurée et découragée et je me laisse entrainer dans une nouvelle grève du corps qui va durer 3 jours. Mon ventre est vide, je n’ai pas envie. Je déteste ce dernier auto-portrait. Je me traine, je lis, j’écris, je mange n’importe quoi, je fume, je me promène, je bois un coca en terrasse à ma cantine préférée, deux cocas, un perrier fraise… et je ne peins plus rien. Nada.

Le petit miracle

Puis, il y a ce dimanche soir, je m’apprête à aller me coucher, et là, un regain d’énergie : j’écoute Deluxe et -M- en boucle et j’ai envie de faire un portrait de -M-. Je me relève, je sors tout le matos, rangé la veille par désespoir : palettes, pinceaux, chiffons, tablier, chevalet, bloc de feuilles. Et c’est parti avec en fond la playlist de -M-, ce live « Tête-à-tête » de 2005 qui me porte.

Le portrait est pas terrible, mais je me sens bien alors je sors un autre bloc de feuille, pratiquement aussi immense que le premier. Je continue sur ma lancée en partant sur un nouvel auto-portrait.

Je ne pense à rien, j’écoute la musique, les couleurs passent sur mes pinceaux. Le moyen, puis le gros, puis le moyen encore, puis le fin, puis à nouveau le moyen. Je suis là, totalement dans mon corps et totalement en dehors de ma tête. Je n’ai pas peur. Je m’en fous. Je vis ma peinture. Par endroit il y a trop d’eau et ça coule. Ca prend forme, doucement, au rythme des accords de Deluxe et Matthieu Chedid.

Je me recule. A cet instant je ne suis pas sure d’avoir fini, je vois encore quelques détails à ajouter mais je suis frappée : je vois mon visage, je me reconnais totalement. Dans ces aplats clairs et foncés, dans ces traits, je vois mon visage tel qu’il existe. Je sens toute la joie qui monte en moi, je met la musique à fond, je saute, je crie, je danse, je me déchaine et je vis le bonheur d’avoir réussi cette peinture spontanée sans le savoir, sans la voir venir, juste en laissant mon corps travailler seul avec mes émotions, mon inconscient.

Manù me dira plus tard, que c’est ça le processus de création. 1 semaine, 4 portraits, des traits, des couleurs, des émotions, et un corps qui travaille. Le mien aura travaillé sans que je le sente, sans que je le contraigne, de ce travail qu’on respecte, qu’on fait par envie, sans y penser, qui s’intègre dans nos gestes, dans notre spontanéité, un peu comme un enfant qui apprend à marcher ou à parler. Un travail qui se vit sans se penser. Qui vient du fond du ventre, du fond du coeur, du fond de l’âme.

Alors, je vous présente ce dernier portrait, sobrement intitulé « Baby that’s you ! » car cette aquarelle a démarré avec ce titre de Deluxe, et que c’est l’exclamation que j’ai eu en la voyant finie :
« Putain, c’est moi !« 

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Merci Manù pour ton regard, ta confiance et ta bienveillance. J’ai hâte de la suite et des prochains portraits. J’ai le sentiment d’avoir grimpé une montagne sans m’y être essoufflée même avec des tongs aux pieds 😉 

Et cher tous, pour le blog, je ne sais pas exactement quand je reprendrai une activité régulière par ici, mais je poste souvent sur Instagram et je vous invite à m’y rejoindre 🙂

Bonne semaine à tous, bonnes vacances et bientôt bonne rentrée. A très vite.


Pour en savoir plus sur Manù…

18 Comments

  1. En relisant cet article, je commence à trouver certains choses que tu décris sans le processus de création d’une œuvre. Je ne me suis pas encore lancé dans l’auto portrait. Mais cette envie qui née en nous est une chose que je mesure maintenant. Les doutes et les contrariétés aussi quand ça ne veut pas sortir comme on veut.

    1. Avec un peu plus de recul maintenant sur cette question de l’auto-portrait, je peux en dire deux choses : déjà c’est un très bon exercice pour travailler le portrait. Franchement, rien de mieux que soi-même pour se regarder et s’exercer. Ensuite, il y a un aspect émotionnel qui peut être très fort : on se confronte à sa propre image et à son propre soi et ça c’est une sacrée aventure 🙂
      Et oui, parfois ça ne veut pas sortir comme on veut, mais il y a les vertus de l’échec : quel meilleur moyen de progresser que de commencer par échouer ? J’écrirai un article là-dessus bientôt – un sujet que j’ai en tête depuis quelques mois 😉

  2. Impressionnant! On voit vraiment la progression. Ce qui est le plus marquant a mon sens, c’est ce travail de l’expressivite du regard et c’est ce qui me plait sur le focus des yeux tout en haut de l’article.
    Ce qui est incroyable c’est que sous certains aspects, on pourrait y voir du Picasso mais c’est vraiment du Pauline. Beau travail! Continue comme ca!

    1. Merci 🙂 j’apprécie la comparaison avec Picasso ah ah
      Contente que ça te plaise et merci pour tes encouragements ! Hâte de montrer la suite de mes projets, ça va évoluer et je suis hyper enjouée de mettre ça en place bientôt !

  3. Whaaoooouuu. C’est impressionnant, fulgurant !
    Bravo aussi pour le courage de nous raconter et de nous montrer tout ça.
    Pour le dernier portrait, juste un détail qui m’a marqué : as-tu remarqué que les boucles d’oreilles sont très similaires à ta signature ?

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