Interview Emotions : l’artiste Elize

Après une interview de l’artiste Amylee que vous aviez pu découvrir en décembre l’année dernière, voici une nouvelle « Interview Emotions » consacrée à l’artiste Elize.  

3 fois par semaine, Elize nous invite à une nouvelle découverte à travers ses oeuvres et sa culture artistique. Aujourd’hui, je vous propose de faire sa connaissance sous l’angle de son rapport émotionnel à l’art et à ses créations : que ce soit avec une représentation de Louis XIV ou Guernica de Picasso, Elize nous embarque dans son univers 🙂

Elize, qui es-tu ?

Je suis une femme de 35 ans. Je suis originaire de Vendée, je vis depuis 8 ans en Martinique et je vais m’installer à Pessac (Gironde) cet été. Je me suis passionnée très tôt pour l’histoire de l’art. J’ai suivi des cours, et je me renseigne beaucoup sur le sujet. Mais j’ai fait des études scientifiques et je suis ingénieure.

Je pratique différentes techniques artistiques : dessin au fusain, pastel, aquarelle et peinture acrylique. Mon esprit créatif me pousse à expérimenter, à incorporer des matériaux à mes œuvres, à établir des passerelles entre les techniques.

Mère de deux enfants, profondément féministe, j’aborde ces thèmes qui me sont chers dans mes peintures et sur mon blog PIGMENTROPiE.fr .

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Quelle est ta première expérience émotionnelle avec une oeuvre d’art ?

La première œuvre d’art qui a attiré mon attention est un tableau étudié en classe au collège. J’étais subjuguée par ce que pouvait renfermer cette image car, au premier abord, elle ne m’évoquait rien. Il s’agissait d’un portrait en pied de Louis XIV. Nous avions identifié les différents symboles qui montrait qui était le roi, qu’il avait le pouvoir religieux également et bien d’autres choses (oubliées depuis).

La passion qu’avait su transmettre la prof m’a contaminée : j’avais envie de savoir décrypter les œuvres d’art. Je voulais découvrir les ‘messages codés’. C’est là que je me suis intéressée à l’Histoire de l’art. J’ai suivi des cours du soir avec une association, dès le lycée – je devais être la seule ado. L’intervenante était captivante et j’adorais l’écouter raconter mille anecdotes sur la vie des artistes.

Je découvrais tout, tout était nouveau.

Je suivais également des cours d’arts plastiques. Le prof partait souvent d’un artiste pour nous donner le thème de la séance. Le groupe était très ouvert, il n’y avait pas de compétition, j’y passais de bons moments. Je repartais chaque fois satisfaite du travail que j’avais réalisé. Comme chacun des enfants /ados du cours. Et en cela, ce prof était très fort, je m’en rends compte rétrospectivement, car il ne nous jugeait pas et nous laissait nous exprimer librement.

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Quelle est ta plus forte expérience émotionnelle avec une oeuvre d’art ?

Quand je remonte dans mes souvenirs de rencontre avec une œuvre d’art, je vois le tableau Guernica de Picasso. J’avais étudié cette œuvre : son origine, le contexte, sa construction, les différentes parties représentées et quelques anecdotes.

Quelques temps plus tard, en visite à Madrid, je l’ai vu en réel. Et je me suis sentie happée. De tout ce que j’avais pu apprendre auparavant sur ce tableau, j’avais omis une chose : sa dimension gigantesque. Cette taille empêchait de voir le tableau dans sa globalité, contrairement aux représentations dans les livres. Et alors, le tableau que j’avais l’impression de connaître, m’a paru tout autre.

Il faut dire que le tableau est très ‘prenant’. Et il y a une ambiance également : il est très protégé, l’accès est contrôlé. Le musée limite le nombre de personnes pouvant être dans la pièce, dont il faut faire la queue. Bref, ça se mérite et ça crée une ambiance particulière.

J’ai compris à ce moment-là qu’on ne pouvait connaître un tableau qu’en y étant confronté dans la réalité. Cette idée de décalage entre une œuvre et sa représentation sur les écrans et les livres, ne m’a pas quittée depuis, et je l’évoque d’ailleurs régulièrement sur mon blog.

Que ressens-tu lorsque tu crées ?

En peignant, je me raccroche au présent, je suis concentrée. Ce que je veux dire, c’est que je suis pleinement dans l’action que je réalise.

Trop souvent, dans nos vies, nous réalisons une chose, en pensant à une autre. Comme si nous séparions notre esprit et notre corps. Et à la fin de la journée, tu as fait deux journées : celle de ton corps (conduire, manger, et même participer à une conversation, faire une réunion, regarder la télé) et celle de ton esprit (établir la liste des courses, penser à l’anniversaire d’untel, choisir le menu du soir, organiser le week-end).

Pendant la peinture, mon corps et mon esprit se connectent pour créer. Je n’ai pas besoin de musique ou radio pour m’occuper le cerveau, il est consacré à l’action de mes mains. Avec  la méditation, tu apprends à être en ‘pleine conscience’. Mais cela se réalise dans l’inaction. Pour moi, peindre est une expérience de pleine conscience dans l’action. (j’ai déjà évoqué ces notions ici )

Suivant les tableaux, je ressens différentes choses, mais c’est globalement positif. Parfois même, c’est comme si je préparai une bonne blague. Par exemple, je réalise en ce moment une série intitulée ‘dans mon sac à main‘. L’idée est de faire un tableau par élément de mon sac, en ‘engulant’ les objets réels : crayons, cartes, clés et… tampons hygiéniques. Ce n’est pas identifiable au premier coup d’œil. Alors, j’adore cet instant de surprise quand les gens réalisent ce qu’il y a dans ce tableau.

En résumé, je m’amuse. Peindre est, avant tout, passer un bon moment.

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Que ressens-tu lorsque une de tes créations est terminée ?

Je passe par plusieurs émotions lors de l’achèvement des tableaux :

  • La difficulté à terminer
  • Une phase d’admiration, où le tableau devient le préféré.
  • Un regard plus honnête avec le temps

Je t’explique la chronologie des émotions.

J’ai du mal à déterminer qu’une toile est terminée. Il est toujours possible de faire un dernier petit ajout, de modifier un point de détail. Parfois cette modification ne me convient pas, mais il n’y a pas la fonction [ctrl]+[z] pour annuler la dernière action réalisée. Il faut donc reprendre à nouveau le pinceau pour arranger les choses et ainsi de suite. Il arrive un moment où le risque de réaliser une modification qui sera nuisible au tableau est plus grand que celui de l’améliorer. C’est là où le tableau est fini.

Terminer est un petit déchirement, je me sépare de l’œuvre, elle n’accompagnera plus mes pensées au quotidien.

Quand je décide qu’il est terminé, il devient (souvent) le « préféré ». Je veux le partager avec mes proches, parce qu’il est vraiment formidable et que je n’ai jamais fait rien de mieux. Et il fait reculer d’un cran tous mes autres tableaux dans la liste des ‘préférés’. Il sera lui-même dans quelques jours ou semaines ‘remplacé’ par le dernier arrivant. A ce moment-là, je m’en détache et j’arrive à porter un jugement plus honnête ou objectif. J’entends ce que les autres en disent, je parviens à en parler plus précisément, alors que dans la phase de création, je suis dans une période non verbalisée.

D’ailleurs, sur le blog, lorsque je montre mes tableaux, ils sont achevés depuis, en moyenne, 2 mois. Avant, je suis trop dans l’affect.

Il arrive qu’un tableau ne me plaise pas. Mais alors, même si j’arrête de travailler dessus, par lassitude, je ne le considère pas comme achevé.

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Enfin, qu’aimerais-tu que les personnes qui rencontrent tes oeuvres ressentent ? Que souhaites-tu partager avec elles ?

J’ai envie de susciter la curiosité, voire l’étonnement, parfois la surprise.

Je passe de bons moments à créer, mais également à observer les travaux d’autres artistes. Je souhaite que ceux qui voient mes tableaux passent un bon moment également.

Il y a aussi la perspective de créer du lien. L’une des choses qu’on me dit souvent en voyant mes tableaux, c’est que l’on a envie de toucher. En entendant cela, je me dis que j’ai réussi mon pari : j’ai établi un lien entre le spectateur et mon tableau (donc moi).

En voyant un premier tableau, je veux qu’un inconnu est envie d’en voir d’autres, pour appréhender plus finement mon travail.

 


Pour en savoir plus sur Elize :

2 Comments

    1. Merci à toi d’avoir répondu à toutes ces questions ! Ce fut un plaisir de te lire et surtout j’ai adoré ton expérience avec Guernica ! J’espère avoir l’opportunité d’aller rencontrer cette oeuvre majeure bientôt !

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