Le jour où j’ai compris l’art abstrait

J’ai commencé à rédiger cet article sur l’art abstrait en octobre dernier et c’était essentiellement pour parler d’une série de peintures abstraites réalisées au tout début de l’été 2016… Je crois qu’il m’était impossible pour moi d’arriver à publier mon sujet tant que je n’avais pas vu l’art de Jackson Pollock en vrai. Et enfin, il y a quelques semaines, alors que je me trouvais à New York, j’ai fait face à plusieurs de ses toiles !


L’art abstrait… Vaste sujet, hein ? Je n’ai pas l’intention de vous donner un cours complet là-dessus parce qu’il y en aurait pas mal des choses à dire… En réalité, j’aimerai pouvoir vous apporter un nouveau regard sur cette branche de l’art souvent parfois incomprise.

Il y a pas si longtemps j’étais un peu comme la majorité des gens à ce sujet, du genre dubitatif devant des trucs qui me semblaient, bon, parfois un peu foutage de gueule, parfois un peu simpliste… Et puis, il y a eu ce jour où une lumière s’est allumée dans ma tête et je me suis dit « aaaaaahhhhhhh c’est çaaaaaaaa ! »

Art abstrait

Première expérience

Ma première vraie rencontre avec l’art abstrait fut en 2008 à Barcelone. J’ai vécu là-bas durant une année et cette ville est d’une richesse incroyable en terme d’art… J’ai eu, lors d’une belle après-midi ensoleillée, la chouette idée de me rendre à la fondation Joan Miró située au Montjuic. Je vous raconte !

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Sculpture de Miró, Fondation Maeght – Photo prise il y a 3 ans

Alors Miró, en général on connait pour son utilisation des 3 couleurs primaires et aussi pour ces figures enfantines. Mais on connait moins d’autres oeuvres beaucoup plus simplistes abstraites. Lors de ma visite, je me suis retrouvée dans une salle ouverte, entourée de toiles blanches contenant un trait. Juste un trait. Un trait différent quand même en fonction des toiles. Je vous avoue que là je me suis assise sur un banc molletonné et je me suis dit : « Est-ce qu’il se fout pas un peu de notre gueule ? » et ensuite… « Le mec est bon, ces trucs doivent valoir la peau du cul et matériellement, ça a pas dû coûter grand chose. En termes de renta, on est plutôt bien« .

C’était il y a 10 ans. J’ai évolué depuis, mais une part de moi-même est toujours aussi cynique.

Et puis ?

Bon après ça, l’art abstrait et moi on s’est côtoyé de loin. Quand j’ai repris le dessin et que je me suis collée à la peinture, j’ai commencé à m’intéresser de plus près à l’histoire de l’art et forcément là-dedans, il y a de l’abstrait. Émotionnellement, j’étais rarement transportée et puis intellectuellement toujours un peu dubitative. Entre l’art abstrait qui veut rien dire, et l’art conceptuel qui veut dire quelque chose mais on comprend pas toujours vraiment quoi, le figuratif c’est quand même plus accessible.

Sauf que…

Il y a plusieurs mois, j’ai été prise d’une envie de peindre « n’importe comment ». Pas exactement n’importe comment en fait, mais je ne voulais pas faire de figuratif. Je voulais du blanc et des explosions de couleurs. Je voulais des mélanges non maitrisés sur le papier. Je voulais de la vie et de l’action dans mes gestes.

Pour la mise en contexte, c’était quelque temps après avoir réalisé le portrait « Elle » dont je vous ai parlé ici. Quelque part, j’étais dans la continuité de ce que j’avais entrepris : un travail du corps.

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Soul break, 2016

Alors, j’ai peint ma première peinture abstraite sans avoir aucune conscience qu’on pourrait qualifier ça d’abstrait. J’avais un truc dans mon corps et il fallait que ça sorte. Sauf qu’il n’y avait pas d’objet, il n’y avait pas de matérialisation « réaliste » de ce que je voulais produire. J’ai juste peint comme mon corps avait envie que je peigne. Je me suis laissée aller, dans les formes, dans le choix des couleurs.

Le jour où j’ai compris

La série Mind

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On the paper, 2016

Je ne me suis pas arrêté là. J’en ai fait une deuxième, une troisième… et ainsi de suite, toujours avec le même processus. Au bout d’une dizaine de jours, une série était créée.

J’ai adoré ça ! Je regardais ces peintures, j’adorai les couleurs, j’adorais le mouvement et la dynamique et là… le mot « abstrait‘ s’est matérialisé dans mon esprit.

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Inside, 2016

A force de les regarder ces aquarelles, tout d’un coup, ça m’a sauté aux yeux ! Pour l’une d’entre elles, j’avais peint les couleurs et leurs exacts dispositions du papier mural de la chambre d’une maison dans laquelle j’ai vécue. C’était un peu dingue de prendre conscience de ça. Du même acabit que le portrait « Elle« , j’ai pris conscience qu’à travers une création on parle de Soi, on raconte quelque chose, un morceau d’histoire.

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Disorder, 2016

Forte de cette révélation, j’ai commencé à mieux les regarder ces peintures, à essayer de comprendre le sens de mes couleurs, le sens de mes traits blancs et j’ai découvert un tas de choses sur moi-même.

Pollock

Qui ne connait pas le nom de Pollock ? Comme tout le monde, j’ai entendu ce nom, aperçue certaines de ses oeuvres mais jusqu’à cet été, je n’éprouvais pas un grand intérêt pour ce qu’il avait pu créer.

Après avoir peint ma première série de peintures abstraites, mon intérêt a grandit. J’ai d’abord regardé le film qui lui avait été consacré où il est interprété par Ed Harris. J’ai été bouleversée par la vie de cet homme et l’apparence d’une incroyable sensibilité.

Sachant que quelques mois plus tard, j’allais me rendre à New York, j’étais obsédée et totalement enthousiaste à l’idée de pouvoir découvrir certaines de ses oeuvres de mes propres yeux… Ce fut un grand moment, et je n’écrirai pas ici le temps que j’ai pu passer devant ses peintures, notamment Autumn Rythm (Number 30)… c’est indécent 🙂

 

Pollock

Autumn Rhythm (Number 30) – Jackson Pollock, 1950
Photo prise cet hiver au MET Museum à NYC

Pollock a dit lors d’une interview donnée à la revue Possibilities en 1947 :

« Quand je suis dans mon tableau, je ne suis pas conscient de ce que je fais. C’est seulement après une espèce de temps de prise de connaissance que je vois ce que j’ai voulu faire. »

Il n’y a rien de plus vrai. L’art abstrait, celui qu’on ne maitrise pas, celui qu’on vit seulement, offre cette possibilité fantastique de se raconter, selon ses propres codes. C’est une aventure personnelle d’une richesse incroyable qui permet d’apprendre à mieux se connaitre.

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Black Hole, 2016

Aujourd’hui, je suis un peu moins dubitative devant le trait de Joan Miró. Je comprend que ça avait un sens pour lui, même si sur cette exemple là, je pige toujours pas.


Et vous ? L’art abstrait, vous êtes plutôt du genre dubitatif ou alors totalement transporté ? Quels sont les artistes qui vous touchent ?

 

7 Comments

  1. Merci Pauline pour cet article. J’ai plus jeune visité ce musée et vraiment pas compris ce quo’ pouvait trouver à ce Mijo … Mais avec l’âge on apprend à regarder même si un paysage me parle plus que ľ art abstrait.

    1. Je comprend parfaitement ta réaction face à Miro 😀
      L’art est subjectif, individuel et personnel – et je pense que l’art abstrait l’est encore plus. Ca m’arrive aussi d’être indifférente à des oeuvres – qu’elles soient abstraites ou figuratives 😉

  2. Merci Pauline pour ce tres bel article. J’aime beaucoup ta reference a Miro. J’ai egalement visite sa fondacion a Barcelone et une chose est sure, ca ne peut pas te laisser indifferent! Ca fait un petit moment que je n’y suis pas retournee mais il me semble qu’au musee Fernand Leger de Biot, il y a aussi quelques oeuvres interessantes de Miro. A verifier si tu passes dans le Sud prochainement 🙂

  3. Je n’ai pas eu ton a priori sur l’art abstrait. J’étais plus dubitative sur les peintures figuratives assez sombres et représentant des héros qui m’étaient inconnus (souvent tirés de passages bibliques).
    Les oeuvres abstraites me touchent par la couleur. Je suis une fan inconditionnelle de Kandinsky.
    Et puis, je suis aussi persuadée que la frontière entre abstrait et figuratif n’est pas aussi franche que ce qu’on veut bien le croire. Il n’y a qu’à aller voir les nymphéas au musée de l’orangerie pour hésiter.
    J’aime beaucoup ta série d’explosion de couleurs. Surtout je trouve que l’abstrait en aquarelle est trop peu présent. Alors tu as du boulot pour combler ce pan de l’histoire de l’art 🙂

    1. Ton avis sur les peintures figuratives me fait penser au Caravage : de mon côté je suis époustouflée par la façon dont il a su quelque part détourner l’art religieux pour y insérer la violence très personnelle qu’il ressentait.
      Je connais assez mal Kandinsky et pourtant je reste fascinée par cette capacité qu’il avait d’utiliser son art pour représenter sa vision de la musique grâce au fait qu’il était synesthésique et là du coup je te rejoins sur le fait que la frontière entre l’abstrait et le figuratif est parfois mince. Je pense que l’abstrait (en tout cas tel que je le vis moi) est une expression libérée de l’inconscient et qui raconte des choses bien réelles (donc figurative) mais sous une forme qu’il faut arriver à décoder.
      Merci en tout cas pour ton commentaire, je suis ravie que cette série te plaise 🙂 et en effet, l’art abstrait dans le domaine de l’aquarelle est assez peu présent…

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